Sam + Papillon

Cette interview a été réalisée en janvier 2022.

Qui êtes-vous ?

Sam —  Je suis un homme hétérosexuel de 44 ans et je suis le Maître d’esclave papillon.

Papillon —  Je suis une femme hétérosexuelle (peut-être hétéroflexible ou encore bisexuelle mais pour le savoir, faudra que j’ai l’occasion d’approfondir la question) de 41 ans et je suis l’esclave de Maître Sam.

D’où venez-vous ?

Sam —  Je suis Belge, Wallon, et j’ai toujours vécu dans un rayon de 50 km autour de notre lieu de résidence actuel (en même temps, la Belgique n’est pas grande !). J’ai des origines méditerranéennes de par mon papa. J’ai donc eu plusieurs influences éducatives depuis que je suis petit mais surtout, une éducation très judéo-chrétienne. Dans le respect de la femme par exemple. Et du côté de papa, la famille est assez matriarcale. C’est la mère qui éduque. Mais aussi celle qui castre... Petit, nos rapports étaient placés sous le signe de ma soumission à elle mais cela a changé en grandissant et j’ai quitté la maison familiale à 18 ans pour me construire tout seul. Aujourd’hui, je me suis libéré de cette éducation, de cette emprise, et je suis commerçant indépendant.

Papillon —  Tout comme Maître, je suis Belge, Wallonne, et j’ai toujours vécu dans ma région. Je m’y sens bien, même si niveau climat, on a déjà vu mieux ! J’ai de très bons rapports avec mes parents qui sont la seule famille proche qu’il me reste. Ils ont toujours été d’un grand soutien et, encore aujourd’hui, ils sont présents.J’ai également quitté le cocon familial tôt, à 20 ans, pas pour m’éloigner d’eux mais pour prendre mon indépendance. Puis j’ai rencontré Maître à 25 ans. Entre les deux... un grand désert affectif... Une vie métro-boulot-dodo qui me faisait beaucoup déprimer... Aujourd’hui, je bosse (dans quoi, cela restera un petit secret) mais à mi-temps pour être plus disponible pour Maître et nos enfants.

Votre rencontre

Sam —  Dans un café ! Via une amie commune, totalement par hasard. C’était il y a 16 ans déjà ! J’avais 28 ans et elle 25. On s’est revus le surlendemain pour une soirée cocooning, devant un film culte pour nous deux, et... on ne s’est plus quittés ! Nous avons emménagé ensemble une semaine plus tard... Pour nous marier quatre ans après et, dans la même année, accueillir notre premier enfant. Le deuxième est arrivé deux ans et demi plus tard.

Papillon —  C’est très rigolo car je crois que dès la première minute, on savait tous les deux qu’on se reverrait. Dans mes souvenirs, je ne vois que lui et je sais que nous avons beaucoup discuté tous les deux quasi en ignorant les autres. Alors que j’étais à la base là pour revoir une amie perdue de vue ! Je crois que deux semaines plus tard, je savais déjà que j’étais totalement amoureuse de lui... Je sais pas comment expliquer ce sentiment mais Maître et moi, ce n’est pas 1 + 1 = 2 mais 0,5 + 0,5 qui ne font qu’un. Plus qu’un coup de foudre, j’ai juste trouvé le morceau de moi qu’il me manquait.

Le BDSM

Sam —  C’est venu à nous car une femme m’a proposé une relation basée sur le polyamour... Nous étions en mai 2020. Bon, je ne vous cache pas que cela a fait quelques (gros) remous dans notre couple... Ça aurait pu en être la fin d’ailleurs, mon épouse n’étant pas du tout en accord avec cette éventualité. Mais l’amour qu’il y a entre nous est tellement fort qu’il a primé sur le reste ! Puis, étant curieux de nature, j’ai fais quelques recherches sur le polyamour et je suis tombé sur des sites BDSM. Je les ai transmis à mon épouse pour qu’elle s’informe un peu.

Papillon —  Il faut dire que je lui en voulais terriblement. Je me suis sentie trahie. Mais à côté de ça, durant ces dix jours de disputes, discussions, engueulades et réflexions, nous avions des rapports sexuels très primals. Je lui demandais d’être plus violent, de me soumettre à ses envies, de me forcer... Et ça me perturbait beaucoup. C’est aussi sur cette base de demande de soumission qu’il a recherché des infos.

Sam —  C’est là que nous avons compris qu’en fait, depuis toujours, l’un et l’autre, dans toutes nos anciennes engueulades (et il y en a eu beaucoup pendant 14 ans !) nous recherchions un partenaire différent... Moi une soumise et elle, un dominant. Et qu’en fait, nous nous sentions dominant et soumise... Enfin, soumise... Au bout de dix jours de lecture, d’apprentissage sur des sites internet, des blogs et autres, elle m’a offert de devenir mon esclave car elle sentait, elle savait, que c’était ça qu’elle était au fond d’elle. Une femme forte mais qui désirait plus que tout me combler, quels que soient mes désirs, mes besoins, mes envies et sans que je ne prenne en compte les siens... Cela a été un choc pour moi. J’ai dû accepter de mettre à la poubelle toute l’éducation que j’avais reçue pour créer un nouveau moi. Ou plutôt, pour faire apparaître ce moi profond que je cachais depuis longtemps.

Le couple

Sam —  Dès le départ donc, nous avons opté pour une relation Maître/esclave au quotidien. Puisque nos vraies natures s’étaient enfin révélées, autant les laisser vivre ! J’ai décidé d’opter pour le vouvoiement car c’est vraiment quelque chose que j’apprécie. Elle m’appelle également Maître parce qu’elle est esclave, parce qu’en plus d’avoir appris à me maîtriser moi même, aujourd’hui, je la maîtrise elle. Et j’aime ça ! Je lui ai donné le nom de papillon, nom par lequel elle est maintenant « connue » dans la communauté BDSM. Je pensais en changer mais finalement non, car je peux l’appeler comme ça devant n’importe qui, cela ne choque pas. Et si je dois la rappeler à l’ordre, rien qu’au ton, elle a tout de suite compris qu’elle approche ou dépasse une limite...

Papillon —  Nous avons aussi mis en place règles et rituels qui nous permettent de ressentir notre lien en permanence. Et pour certains, qui sont applicables en public avec un peu de subtilité. J’en ai déjà tellement, imprimés en moi, que je n’arrive parfois plus à les lister ! Niveau punitions, il y en a, quand je ne respecte pas les choses mises en place. Elles peuvent être autant physiques que psychologiques. Mais Maître prend toujours soin de ne pas aller plus loin que ce que je suis capable d’encaisser. Pour le reste, rien n’a changé ! Nous partageons toujours les tâches ménagères. Nous rions toujours autant, nous nous amusons ensemble, parfois on se dispute aussi mais ça devient très rare. En gros, nous partageons encore plus qu’avant. Et c’est le pied total !

L’amour et/ou le Lien

Papillon —  Sans amour, jamais je n’aurais pu me soumettre... Je me soumets parce que je l’aime, parce que je veux, j’ai même besoin, de m’occuper de lui, d’être à son service, aux petits oignons pour lui. Nous sommes très fusionnels grâce à l’amour que nous nous portons. Et ça se ressent encore plus avec notre lien M/e.

Sam —  Et moi je ne pourrais dominer et encore moins maîtriser quelqu’un que je n’aime pas et donc, que je ne connais pas sur le bout des doigts... Nous nous sommes posés la question de savoir si, un jour, nous coupions ce lien M/e, nous pourrions rester ensemble. Et la réponse est oui. Parce que justement, nous nous aimons. Le lien M/e renforce encore cet amour mais je sais que, même si le lien se coupait, il a déjà tellement renforcé notre amour que ce dernier sera le plus fort.

Le contrat et/ou la check-list

Sam —  J’ai décidé qu’il était important d’établir un contrat. Nous avons énormément échangé sur la façon dont nous voulions vivre notre relation. Nous avons établi des chapitres pour chaque questionnement. Il y a même un chapitre sur la fin de la relation si elle devait survenir (car oui, une fin est envisageable, personne ne sait de quoi l’avenir est fait...) ou les modifications à apporter au contrat. Nous l’avons signé lors d’une petite cérémonie où nous avons également échangé des vœux. Pour nous, ce contrat a remplacé notre contrat de mariage civil dans nos cœurs et dans nos têtes.

Papillon —  J’ajouterais que nous l’avons signé de nos noms civils pour protéger Maître au cas où il m’arriverait quelque chose qui me plongerait dans un coma, m’empêchant de m’exprimer sur d’éventuelles marques dues à une séance... Et aussi que nous venons de le relire et... qu’il est à revoir ! Mais comme nous communiquons énormément, nous sommes tous les deux d’accord et consentants sur les modifications que nous y avons déjà apportées sans qu’elles soient écrites !

Les pratiques

Sam —  Notre relation est à 95% basée sur des pratiques psychologiques. Je dresse mon esclave à obéir et à servir selon mon plaisir. Avec son consentement bien sûr. Et il reste 5% de pratiques physiques. J’aime les beaux objets... Et les jolies marques... Et papillon est toujours toute fière de les porter car, comme elle n’est pas du tout maso, ça la rend heureuse d’avoir pu supporter ce que j’ai eu envie de donner et de pouvoir après le constater sur son corps ! Donc c’est clairement l’impact qui nous plait le plus. Martinet, badine, cravache, paddle, et surtout, mes mains ! Prochain achat prévu, un fouet ! Pour le reste, aiguilles, griffes, shibari ou autres, ne maîtrisant pas les techniques, j’attends de trouver un.e autre Maître.sse pour m’apprendre car cela ne se fait pas sans un maximum de connaissance. Nous ne refusons aucune expérience car il est impossible de savoir ce qu’on aime tant qu’on ne l’a pas testé ! En plus, j’avoue que les pratiques physiques me permettent de m’évader hors de ma tête. En général, j’ai cent idées à la seconde et en quelques instants, j’arrive à me déconnecter. Cela me fait un bien fou ! Pour papillon, c’est surtout lâcher prise, sur ses besoins, ses envies, ses limites, ses douleurs aussi, qui lui permet de se dépasser, tant psychologiquement que physiquement et de la rendre heureuse. D’où le fait que nous n’ayons par exemple qu’un safeword, qui est « santé ». Je crois qu’il parle de lui-même... Pour le reste, elle désire d’elle-même se dépasser pour me rendre heureux donc je sais très bien que jamais elle ne m’arrêtera... Mais elle sait aussi que jamais je n’irais trop loin, ce n’est pas mon but. Et puis, pourquoi abîmerais-je mon jouet préféré ?

Le sexe

Sam —  Il fait partie intégrante de notre relation. J’aime le sexe. J’en ai besoin. Que papillon en aie envie ou pas, libido ou pas, ça ne change rien, je l’utilise selon mes envies. Bien sûr que je prends en compte sa santé physique et morale ! Mais elle-même tient à ce que je me fasse plaisir sans m’occuper du sien. Ça peut paraître étrange de dire ça mais c’est comme ça qu’elle est heureuse : quand je me fais plaisir ! Sexuellement, physiquement et psychologiquement. Grâce au sexe en plus, je mélange les pratiques physiques, comme la douleur mais aussi, les psychologiques, comme l’humiliation. Et puis, dans ces moments là, j’aime me montrer encore plus Maître du jeu. Elle me dit souvent que j’ai un regard totalement différent qui parfois, lui fait peur ! Du coup, ça m’excite encore plus... Et oui, parfois, nos ébats ressemblent un peu à du sexe CNC. Mais ça nous plait à tous les deux au final car si je ne suis pas assez Maître, c’est le seul moment où elle aurait tendance à me chercher un peu pour que je la pousse dans ses retranchements !

Les enfants

Papillon —  Nous avons 2 enfants. Une chose décidée dès le départ a été de rendre à Maître sa place de figure paternelle bienveillante mais aussi qui détient l’autorité. Avant, j’étais trop laxiste avec eux, je cachais des choses à leur père... Ce n’était bon ni pour eux, ni pour nous. Donc aujourd’hui, c’est Maître qui gère, des récompenses aux punitions éventuelles. Et, lorsqu’il faut prendre des décisions à leurs sujets, nous en discutons dans le calme, il me demande mon avis, il le prend en compte et puis il décide. Nous leur avons aussi expliqué que nous avions décidé de changer un peu les règles entre nous et que du coup, cela aurait aussi un impact que nous souhaitions positif sur eux. Par exemple, je vouvoie Maître devant eux. Au bout de quelques semaines de ces changements, nous leur avons demandé leurs avis. Réponse : « Vous êtes parfois bizarres à la maison, un peu plus qu’avant. Mais comme vous avez l’air plus ou moins normaux quand il y a des gens, ça ne nous dérange pas, on a l’habitude. » Voilà les seules choses dont ils ont connaissance. Le reste... Aucune pratique sexuelle ou SM, aucune humiliation, aucune punition, ne se fera jamais devant eux. Et si un jour ils devaient comprendre et bien, nous ferons comme nous le faisons déjà avec eux sur d’autres sujets, nous discuterons, nous leur expliquerons certaines choses (selon l’âge du moment) avec respect et bienveillance. Le plus important est que nous nous rendons compte qu’ils sont plus heureux aussi depuis que nous sommes en M/e. Parce que vivre avec des parents heureux donne des enfants heureux, simplement ! Et au final, avoir un cadre un peu plus strict grâce à la présence d’un papa super chouette mais aussi, plus exigeant que maman, leur donne une meilleure éducation...

Votre entourage

Sam —  Nous en avons parlé à certaines personnes proches et de confiance. Cela nous permet d’être nous mêmes en leur compagnie, règles et rituels compris, et c’est très appréciable ! Avec les autres, elle a le droit de me tutoyer par exemple mais elle arrive généralement à tourner ses phrases pour ne pas devoir dire « tu » ! Ça nous vaut souvent des fous rires car quand un « vous » lui échappe, elle tente de se rattraper mais ce n’est pas toujours simple ! Sinon, de par nos boulots, nous ne pouvons nous permettre d’être vus comme des déviants. Je n’aime pas ce mot, mais même si le BDSM a été un peu démarginalisé ces dernières années, les a priori ont la vie dure... Et puis il y a nos enfants... Hors de question qu’on vienne les trouver pour parler de nous et de ce que nous pouvons vivre, ou pire, leur faire vivre, à la maison !

Quel genre de Maître es-tu ?

Sam —  Mes mots préférés doivent être respect et bienveillance. Envers mon esclave mais envers le reste du monde aussi. Si Papillon me sert et m’obéis, moi, je sers la relation. C’est la partie qui m’est dévolue. Je me dois d’être juste, droit, autant dans son dressage que dans mon propre comportement. J’ai choisi pour ma part de la laisser s’exprimer, je lui laisse le droit d’avoir ses propres opinions et de les partager avec moi. Sinon, franchement : ça vous amuserait, vous, une vie lisse avec quelqu’un qui est toujours d’accord avec vous ? Moi pas...

Quel genre d’esclave es-tu ?

Papillon —  Depuis toujours, j’ai ce besoin de faire plaisir à l’homme que j’aime. C’est comme ça que je suis. Rendre service, aider, porter secours. Si le monde n’était pas ce qu’il est, je pourrais être soumise en permanence à tout le monde. C’est ma nature réelle en fait. Aujourd’hui, je ne suis l’esclave que de mon Maître. En dehors, j’ai un caractère assez... trempé... Même si je reste serviable pour les gens que j’aime et apprécie. Pour Maître, je désire ce qu’il désire. C’est simple. Je déteste quand il prend soin de moi, qu’il soit attentif à mes besoins... J’ai juste dû apprendre à mieux communiquer. De la bonne façon, sans m’énerver, avec respect. Je sers, j’obéis, avec respect et abnégation, et c’est ça qui me rend heureuse.

On a oublié quelque chose ?

Sam —  Non, une relation M/e ce n’est pas quelque chose d’austère, de rigide, d’hyper-strict avec une esclave attachée H24 et qui a les yeux baissés en permanence... On s’amuse, on rit, on pleure, on se chamaille parfois, on partage en gros ! Tout et sur tous les sujets ! C’est une relation très riche, où la communication est devenue primordiale. Alors oui, pour certains, savoir que papillon n’a plus le droit de faire de choix pour elle-même peut paraître extrême. Mais c’est comme ça qu’elle se sent bien et surtout, elle-même !

Le bilan

Sam —  Nous partageons bien plus de choses qu’avant. Nous communiquons beaucoup plus. Alors que nous nous connaissions déjà très bien, c’est encore plus fort maintenant. Nous sommes heureux, simplement. Nous vivons ce que nous sommes. Pouvoir être soi-même avec la personne qu’on aime est ce qui est le plus important à nos yeux. Et aujourd’hui, je sais que, si l’un de nous devait finir par être malheureux dans notre relation M/e, alors, nous prendrions le temps d’en discuter et de clôturer là cette façon de vivre. Mais notre couple en sera sorti encore plus fort et plus amoureux. Donc il n’y a que du positif à vivre une relation aussi puissante !

Un truc drôle

Papillon —  Petit partage d’une tranche de vie : à table avec notre fille de onze ans. On parle du nettoyage de la maison et du fait qu’on reçoit le mercredi, que je vais avoir le temps de nettoyer le samedi et plus après, et qu’il faudra surveiller que notre cher toutou ne se promène pas partout dans la maison avant que ses pattes ne soient sèches... Là dessus, la miss dit « Ben faudrait une cage pour l’enfermer dedans 10 minutes »... Je vous laisse imaginer notre échange de regards... Donc on a embrayé ! Et nous voilà à discuter avec elle de la taille de la cage, de ce qui serait mieux de faire, fond en dur, plaque au-dessus ou pas, loquet, système de fermeture, roulettes... Bref, Maître et moi, avec une idée en tête qui n’était pas la sienne, forcément ! Et voilà comment nous allons arriver à avoir une cage dans la salle à manger, visible de tout le monde, mais pour une raison tout à fait logique !

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Vous pouvez suivre Papillon sur Instagram, Fetlife ou son blog ; quant à Sam, vous ne le trouverez que sur Fetlife.

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